Lectures "Les pieds sur Terre", Société / Témoignage

Sorcières ! Le sombre grimoire du féminin par Julie Proust Tanguy

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Editions des Moutons électriques

Collection « La bibliothèques des miroirs »

248 pages

Paru en juin 2015

Quatrième de couv’ :

Autour du chaudron fumant, trois silhouettes s’activent : les sorcières font frémir à petit feu des mystères parsemés de poils de chat noir. Des cris d’horreur, des frissons enfantins et de sensuelles silhouettes féminines bouillonnent dans leur potion verdâtre. Leurs voix fredonnent des noms familiers : Baba Yaga, Morgane, Médée, Carrie, Esmé Ciredutemps…

Leur sabbat fait danser, depuis des siècles, une litanie de clichés : crapaud, balai, chapeau pointu… Mais qui sont ces envoûteuses dont les doigts crochus lacèrent la toile du temps ? Sont-elles les fiancées du Diable ou de simples révélatrices d’une sombre Histoire du féminin ?

Nécromanciennes redoutables, guérisseuses ignorées, doubles obscurs des fées, femmes fatales livrées au bûcher… Rejoignez-les dans ce grimoire moderne qui vous révèlera les lointaines origines et l’étrange destinée de vos sorcières bien-aimées !

Mon avis :

Cet ouvrage retrace l’Histoire de la misogynie à travers les siècles, car oui, qu’est-ce qu’une sorcière ?

Au départ, on parle de femmes savantes, herboristes, qui traitent les maux féminins, elles sont avant tout reconnues dans l’Antiquité comme étant des sages-femmes – gynécologues vs les hommes médecins, et se transmettent leur savoir de façon orale (l’écriture intervient beaucoup plus tard, manque d’éducation, argent, etc). Le problème prend naissance avec les « penseurs », il est gênant que des femmes puissent posséder un savoir supérieur, les potions à base de plantes (entre autre) finiront par leur porter préjudices et le Moyen-âge finira d’enfoncer le clou avec l’Eglise qui ne fut pas qu’amour pour son prochain pour le coup ^^.

Nous voici donc lancé sur la piste des sorcières les plus réputées de l’Histoire de leur naissance à nos jours, avec différentes parties : Antiquité, Moyen-âge, du XVIe au XVIIIe siècle, le XIXe siècle, du XXe au XXIe siècle. Chaque partie est agrémentée de nombreuses illustrations, citations et références littéraires, musicales séries TV / Anime / Cinéma, bref un ouvrage extrêmement riche avec beaucoup d’annotations permettant d’aller plus loin si l’envie nous en dit.

Dans l’Antiquité, les femmes se transmettaient donc leur savoir de manière orale sur les plantes pour soulager les femmes (enfantement, avortement, mycose etc), les maux féminins étaient un monde inconnu des hommes et étaient même plutôt source de gêne mais la jalousie a fini par pointer son vilain nez, la femme doit restée à sa place d’inférieure : Circé, Hélène de Troie et Médée seront les figures emblématiques de cette féminité dangereuse et sournoise. Vous aimez Homère et Ovide ? Peut-être beaucoup moins après avoir lu quelques lignes…

« Si le magicien reste un personnage positif son double féminin devient menaçant avec un pouvoir qu’il faut étouffer ».

Le Moyen-âge et les femmes avec leur grande amie l’Eglise : La femme a été créée en second lieu à partir d’une côte d’Adam, être inférieur « elle se doit d’être soumise », étymologie fe-mina = moindre par la foi, un concile à Mâcon aura lieu en 581 pour savoir si les femmes font parties de l’humanité (tout un programme…). Ayant provoqué le péché originel, elle n’est pas digne de confiance et se retrouve reléguée au même rang que les bêtes. L’Eglise met l’accent sur l’impureté féminine et sa stupidité « l’âme d’une petite fille naît 40 jours plus tard qu’un garçon », « être chétif et défectueux », bavarde, perfide etc, merci Saint Thomas et Martin Luther.

Le grain de sucre sur la chouquette comme dirait Princesse Soso vient de Bernard de Clairvaux « femme = sachet pour retenir la semence parfaite de l’époux », on l’embrasserait presque.

La femme séduit donc elle est l’instrument du Diable pour pervertir l’âme masculine. Naît la Fée médiévale octroyant dons et malédictions, Morgane étant la plus connue. On retiendra également comme figure emblématique de cette époque Hildegarde de Bingen, religieuse très savante et herboriste. Jeanne d’Arc aurait-elle été brûlée si elle n’avait pas pris les armes comme un homme ? Bonne question.

1215, création de l’Inquisition et de ses interrogatoires musclés aux tortures plus créatives les unes que les autres, toutes les femmes passées entre les mains des bourreaux ont bien sûr avoué être en cheville avec le Diable, participé à des Sabbats, la délations à cette époque fut une véritable épidémie mais l’époque où le bûcher a le plus flambé est…le XVIe, là j’ai appris un truc.

Au XVIe siècle donc, la sorcière est l’archétype de la rebelle qualifiée de « putain du Diable » ; un petit détour à Salem et son hystérie collective bien inspirante pour divers supports (musique, littérature, cinéma) :

Lords of Salem de Rob Zombie

L’ombre des contes : une femme bien = passive, dévouée, soumise vs la sorcière = femme déterminée, ambitieuse, active (met en oeuvre les moyens pour atteindre son but). Baba Yaga est la seule sorcière qui retire son épingle du jeu, bonne ou mauvaise selon le contexte.

XIXe siècle ou la libération : Les écrivains portent un regard critique sur le Moyen-Âge et déboulonne le mythe de la sorcière grâce à la perte des croyances, accusant la bêtise par exemple : femme « trop belle » se refusant à un homme qui pour se venger l’accuse de sorcellerie. Lilith fait son grand retour sous différentes formes, Faust et les oeuvres qu’il inspire. Même s’il y a toujours un relent misogyne, il n’y aura plus l’étiquette de sorcière accolé à la femme. Jules Michelet écrira « Sorcière » offrant une rédemption littéraire fracassante.

XXe et XXIe siècle : Avènement de la sorcière en bonne épouse (Ma sorcière bien-aimée), guide dans l’apprentissage (Mary Poppins) ou victime qui devient vengeresse (Carrie de Stephen King). Création de la Wicca, religion féministe mais qui inclut l’homme pour le libérer de « processus mentaux nocifs ». Plusieurs pages dédiées à l’oeuvre de Terry Pratchett et ses sorcières loufoques.

En bref, j’ai beaucoup apprécié ce livre contenant pas mal de références littéraires comme cinématographiques sur les sorcières tout en me donnant un cours passionnant sur les exactions commises sur les femmes à travers les siècles (la galerie photo sur les instruments de torture fait froid dans le dos), rien que pour piocher des idées lectures ou autre forme culturelle, il vaut le détour.

Bonne lecture !

7 réflexions au sujet de “Sorcières ! Le sombre grimoire du féminin par Julie Proust Tanguy”

Une petite bafouille ?